Chant de la Communauté de l’Emmanuel (B. Pavageau)
Les textes sont peut-être un peu ardus mais le christianisme mérite d’être redécouvert dans toute sa richesse spirituelle.
« Après le Temps de Pâques, nous entrons dans le Temps de l’Esprit. Les deux sont bien sûr intimement liés. On ne peut comprendre l’un que par l’autre. Le Mystère pascal du Christ est le fondement, la Source permanente de l’Esprit en nous, tandis que le Mystère du don de l’Esprit est le but, la finalité de Pâques, son accomplissement. Le lien entre ces deux Mystères est essentiel à l’intelligence de la foi chrétienne. Le Nouveau Testament met cette relation en lumière à travers deux sources, qui peuvent être lues comme se complétant mutuellement: les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), les Actes des Apôtres et saint Paul d’une part; l’évangile de Jean d’autre part. Ces deux sources ont chacune leur perspective propre, qui se marque dans un traitement théologique différent des mêmes traditions orales et écrites, qui rapportent les événements. L’évangile selon saint Luc et les Actes des Apôtres, du même auteur, sont les deux textes les plus représentatifs de la première perspective. A la fin de l’évangile de Luc, Jésus apparaît aux Onze apôtres le soir de Pâques. Juste avant son Ascension, il leur annonce la venue de l’Esprit Saint qui sera la force vivante et fondatrice de leur témoignage: « Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Pour vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez, d’en haut, revêtus de puissance. » (Lc 24,49)Le début des Actes des Apôtres fait le lien avec la suite des événements, en reprenant les propos de Jésus et le récit de son Ascension, situés cette fois quarante jours après Pâques: « vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous… » (Ac 1, 8). Le jour de la Pentecôte, le cinquantième après Pâques, l’Esprit vint « comme le souffle d’un violent coup de vent » (Ac 2,2). « Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2,4). Cette séquence lucanienne inscrit, déploie les événements dans le temps, dans l’histoire du Salut, et représente l’origine scripturaire du Temps pascal dans la liturgie et la spiritualité chrétiennes. (…)
La deuxième source scripturaire relatant le don de l’Esprit Saint aux disciples est l’évangile selon saint Jean. D’une manière aussi simple que saisissante, l’évangéliste ne situe pas ce don le jour de la Pentecôte, mais le soir même de la Résurrection – le premier jour de la semaine. Présent au milieu des disciples, Jésus leur dit par deux fois: « La paix soit avec vous » (Jn 20,19.21). Et la deuxième fois, il ajoute: ‘’Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie’. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit: ‘Recevez l’Esprit Saint’ » (Jn 20, 21- 22). Quant à l’Ascension, Jean ne la mentionne pas à ce moment, contrairement à Luc, ni à aucun autre. Mais elle est implicitement évoquée par Jésus ressuscité, lors de sa rencontre, le matin, avec Marie de Magdala: « Ne me retiens pas! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » (Jn 20,17) En ne déployant pas la Résurrection et le don de l’Esprit dans le temps, le quatrième évangile souligne la continuité entre ces deux Mystères qui, essentiellement, n’en font qu’un. Jean montre, sans doute plus clairement que les synoptiques, que c’est l’élévation, la glorification de Jésus – entendez: sa mort, sa Résurrection et son Ascension– qui libère les eaux vives de l’Esprit. (…) Chez Jean, c’est le Ressuscité lui-même qui communique le souffle de Dieu. (…) « En vérité, en vérité, je te le dis: nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas si je t’ai dit : ‘Il vous faut naître d’en haut’. » (Jn 3, 5-7) « Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. » (Jn 4, 13-14) »
Christophe HERINCKX, Journal Dimanche du 19-05-2024
« L’apôtre se mettra dans la condition de vie des gens à qui il s’adresse avant de chercher à les amener à son propre genre de vie. S’ils cherchent Dieu par une autre voie que lui, il ne les pressera pas de choisir la sienne, mais de vérifier quel est leur souci des autres, ce qui est le critère de vérité de toute préoccupation religieuse ou spirituelle ; si la question de Dieu, de l’au-delà ou de salut ne les trouble pas ni ne les intéresse, il les amènera à s’interroger sur leur sens de l’homme et de la vie humaine et sur les grandes causes humanitaires de ce temps : c’est sur cette voie que Dieu viendra incognito à leur rencontre » (…)
«…Toute religion est enracinée dans du social, est essentiellement sociale par ses liens à un passé, un peuple, une histoire, une culture, une visée politique, une théorie économique, à tout un ensemble de particularités qui ne lui permettent pas de se prétendre universelle. (…) Mais le christianisme est autre chose que religion, car il est fondamentalement foi, c’est-à-dire pensée et visée de Dieu, mais aussi de l’homme et du monde, car il est non moins essentiellement salut, salut proposé à l’homme , mais aussi à penser et à construire par lui. Or, les hommes aspirent à un salut de tout temps, les philosophes ont parlé de Dieu, de l’immortalité, de la parenté de l’homme avec Dieu, et il est ainsi arrivé que l’idée du salut et la pensée de Dieu ne sont pas tombées dans le christianisme seulement par la voie d’une révélation mais non moins de la raison, ainsi que je l’ai plusieurs fois noté.
Pour tous ces motifs, la pensée chrétienne tient à rester en dialogue avec la philosophie et les différentes sciences qu’elle inspire, et ce n’est pas par orgueil, mais par souci de la vérité, de mériter la confiance des personnes qu’elle attire, de s’enrichir de la vérité d’autres branches du savoir, d’en juger aussi par elle-même en tant qu’elle porte au monde le jugement de l’Esprit de Dieu. »
L’esprit du Christianisme de Joseph Moingt, Temps Présent, 2018.
Quelques photos du pèlerinage à Clairefontaine le lundi de Pentecôte. Voir aussi la vidéo :